Endocrinopathies et COVID-19          

Par Pr. L. Ahmed-Ali, Pr. NS. Fedala.

Service d’Endocrinologie et Maladies Métaboliques. C.H.U Bab El Oued.

Résumé :

Le système endocrinien est particulièrement vulnérable aux
perturbations causées par l’infection à la COVID-19 ; le dysfonctionnement
thyroïdien et l’hyperglycémie étant largement signalés. Dans cet article nous
nous intéresserons particulièrement à l’impact de la COVID-19 sur la fonction
gonadique qui semble être vulnérable aux perturbations et reste peu étudiée, en
particulier chez les femmes, malgré des rapports faisant état de changements
dans la menstruation et la santé reproductive. Nous aborderons également l’effet
sur les glandes surrénaliennes ; le système hypothalamo-hypophysaire .Enfin,
l’intérêt de la supplémentation en vitamine D.
Alors que les effets à long terme de la COVID-19 deviennent un défi de plus en
plus important pour les systèmes de santé, la mesure dans laquelle le
dysfonctionnement endocrinien contribue au long COVID-19 est actuellement
inconnue et constitue donc un domaine prioritaire pour les recherches futures.


Introduction

Une nouvelle maladie à coronavirus (COVID-19), causée par  le coronavirus 2  (famille des coronavirus ), apparue fin 2019 à WUHAN(Chine) , a touché plus de  300  millions de personnes et provoqué la mort d’environ  4 millions de personnes  dans  220 pays à travers le monde. Elle a été classée par l’OMS comme pandémie en mars 2020.

La présentation primaire chez les  patients symptomatiques est essentiellement  pulmonaire : pneumonie virale, parfois compliquée par le syndrome aigu de détresse respiratoire et/ou la septicémie  qui font toute la gravité de cette pathologie. D’autres complications ont été également décrites : myocardite et atteinte rénale.

Qu’en est-il du système endocrine qui est l’un des systèmes les plus importants chez l’homme ? La COVID-19 touche-t-elle les différentes glandes endocrines .Nous nous efforcerons à travers cette revue de répondre à cette question.

Physiopathologie

Le SARS COV -2 va agir par confinement dans le parenchyme pulmonaire. Il va interagir avec les ACE2 lors de l’entrée dans les pneumocytes. Il s’agit de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II (ACE2) : protéine (carboxypeptidase) homologue de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (2000). L’ACE2 régule négativement le système rénine-angiotensine. L’ACE2  a un effet  antagoniste à celui de l’ACE1 avec  déplacement de la production vers l’angiotensine 1-7(mécanisme de  clearance de l’angiotensine II). L’angiotensine 1-7 a un effet vasodilatateur.

Un nombre de glandes endocrines expriment l’ACE2 (le pancréas, la thyroïde, les testicules, les ovaires, les glandes surrénales et l’hypophyse). Ceci  explique les répercussions endocriniennes dues à l’interaction du SRAS-CoV-2 avec l’ACE2 exprimée sur ces organes.

L’intérêt de les dépister et de les connaitre réside dans la nécessité de leur  prise en charge précoce qui pourrait améliorer le pronostic chez ces patients.

Figure 1 : Principales conséquences  endocriniennes du COVID-19
COVID-19 et glande thyroïde 

Ce chapitre sera traité dans un article indépendant. Thyroïde et COVID-19

COVID19 et gonades

Les récepteurs  de l’Angiotensine  sont exprimés dans les testicules à des niveaux élevés (presque les plus élevés du corps humain). Les cellules de Leydig, les cellules Sertoli et les spermatogonies expriment toutes ces récepteurs .Toute maladie  aiguë  entraine  une perturbation de l’axe hypothalamo-hypophysogonadique  (profil d’hypogonadisme hypogonadotrope :  FSH, LH et testostérone basse).

La Covid -19 peut toucher les deux composantes de la fonction testiculaire :

– La fonction exocrine : en effet, les gènes impliqués dans la spermatogenèse sont

altérés dans la spermatogonie  ACE + avec comme conséquence une altération de la spermatogenèse ACE +. Il existe également une  altération  de la barrière  sang –testicule qui est formée de jonctions spéciales entre les cellules de Sertoli et préserve la spermatogenèse des agents cytotoxiques du sang et des réactions autoimmunes. Une surproduction de cytokines  suite à  une infection virale (IL 6) entraine également une  réponse autoimmune  avec sécrétion d’Anticorps anti-spermatozoides (AAS).

– La fonction endocrine : Des études ont démontré également un profil d’hypogonadisme hypogonadotrope chez les patient covid-19.

Figure 2 : Effet de la covid-19 sur les gonades masculines                                                           

Ceci suggère que l’infection par le SRAS-COV-2 peut entraîner un problème de fertilité potentiel et  un risque accru d’infertilité. 13% des cas d’infertilité semblent être associés à des niveaux élevés d’AAS.

COVID-19, Vitamine D, os et parathyroïdes 

La vitamine D aurait un rôle dans la réponse immunitaire adaptative. Les personnes qui sont plus à risque de carence en vitamine D au cours de cette pandémie mondiale devraient envisagerde prendre des suppléments de vitamine D pour maintenir la circulation 25(OH)D dans les niveaux optimaux (75-125 nmol/L). Même s’il n’y a pas suffisamment de preuves sur l’association entre les niveaux de vitamine D et la gravité et la mortalité de COVID-19. Par conséquent, des essais contrôlés randomisés et des études de cohorte à grande échelle sont nécessaires pour tester cette hypothèse.

COVID -19 et glandes surrénales

La zone glomérulée, qui est la source unique de l’aldostérone ne présente aucune immunoréactivité à l’ACE2.

En revanche, l’ACE2 a été largement  retrouvé dans les zones fasiculée et réticulée responsables de la sécrétion des glucocorticoïdes et des androgènes).  La Transmembrane Serine Protease 2 (TMPRSS2) qui stimule l’entrée médiée  du SRAS-CoV-2 était largement exprimée dans les trois zones du cortex surrénalien. Le stéroïde 11-hydroxylase (CYP11B1) est  une enzyme catalysant les étapes terminales de la synthèse de cortisol(les zones fasciculée/reticulée).la double coloration par immunofluorescence a clairement démontré la colocalisation de CYP11B1/ACE2, CYP11B1/TMPRSS2 et ACE2/TMPRSS2 dans le cortex surrénalien.

Les glandes surrénales jouent un rôle primordial   pour la survie dans les conditions de stress (rôles métaboliques, cardiovasculaires et immunologiques profonds dans une réponse adéquate au stress).

L’élévation du cortisol  plasmatique chez les patients  atteints serait dû  à l’activation de l’axe  hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) et de l’hyper-inflammation systémique. Les niveaux aléatoires de cortisol plasmatique chez les patients COVID-19  gravement malades étaient considérablement inférieurs à ceux des non-COVID-19. Il est intéressant de noter que 67% des patients gravement malades avec COVID-19 ont eu des concentrations aléatoires de cortisol de plasma au-dessous de 10 μg/dl. Plusieurs explications  sont possibles :

  • Un effet viral direct.
  • La stimulation de l’axe (HPA) par les cytokines a plusieurs effets (perfusion accrue des surrénales, → risque  d’hémorragie, réponse autoimmune dysrégulée).
  • Le SRAS-CoV2 produit des peptides viraux  qui ressemblent à l’ACTH avec destruction également de l’ACTH et insuffisance surrénale.

Des cas ont été décrits chez des patients n’ayant  jamais reçu de corticoïdes.

Les avantages des glucocorticoïdes dans COVID-19 :

  • Réduction du syndrome de tempête  des cytokines en limitant l’inflammation.
  • Action locale sur la membrane alvéolaire pulmonaire.
  • Empêche la formation des membranes hyalines dans les poumons.

Néanmoins, les cliniciens doivent être vigilants au sujet de la possibilité d’une insuffisance surrénalienne chez les patients Covid -19.

COVID-19 et hypophyse – hypothalamus 

Les manifestations neurologiques sont retrouvées chez les patients  COVID-19 et incluent, entre autres l’hyposmie qui serait due à l’expression de l’ACE2  dans les cellules C olfactives. Le portail d’entrée du virus dans le système nerveux central (SNC) se ferait par voie  hématogène. Ceci serait une hypothèse. Les tissus hypothalamiques et  hypophysaires expriment l’ACE2 et seraient donc de potentielles cibles virales. Des études  autopsiques ont retrouvé de l’œdème et le virus SRAS  dans l’hypothalamus.

L’atteinte hypothalamo-hypophysaire a été prouvée  dans le SRAS  par Leow et al en 2005 qui ont objectivé un déficit corticotrope chez 40 % des patients dont la majorité (62.5%) ont récupéré  dans un délai d’un an.  87,5 % des personnes atteintes ont eu des symptômes (asthénie  et/ou  vertiges posturaux au moment du recrutement initial). 5% ont également eu  un déficit thyréotrope (hypophysite réversible  atteinte  hypothalamique directe.)

Pour la covid-19 les données sont  limitées. Une fréquence élevée des symptômes neurologiques   dans  le SRAS-CoV-2 peut affecter l’hypophyse  et l’hypothalamus directement ou par le biais d’une hypophysite. Il est necessaire  de recherche un deficit corticotrope surtout si les symptomes evocateurs sont presents (asthénie inexpliquée,  lassitude,  malaise,  vertiges orthostatiques, anorexie et apathie. Il a été rapporté également un  diabète insipide (une perte d’eau insensible due à la fièvre et la tachypnée avec une hypernatrémie.

Conclusion

La Covid -19 semble avoir un impact important sur les différentes glandes endocrines. Un impact  important sur la fonction gonadique et sur la fertilité chez l’homme a été constaté. La possibilité d’insuffisance surrénalienne  est à souligner d’où la nécessité de la rechercher. L’intérêt de la supplémentation en vitamine D est souligné par plusieurs auteurs. Enfin l’atteinte centrale hypothalamo-hyophysaire bien que rare  doit être évoquée devant toute symptomatologie évocatrice ou inexpliquée. Une meilleure compréhension et une recherche systématique de ces atteintes contribueront certainement à l’amélioration du pronostic des patients Covid -19.

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