Facteurs de risque et conséquences de l’obésité précoce de l’enfant

MM. Bekkar (1,2), A. Tari (1,2), S. Niar (1)

(1) Service de Pédiatrie (Marfan) CHU Oran / Faculté de Médecine d’Oran

(2) Unité de recherche IEC en santé / GRAS

L’obésité infantile est préoccupation majeure de santé publique. L’obésité de l’enfant est un facteur prédictif solide de l’obésité de l’adulte, dont les conséquences sanitaires et économiques sont bien connues, tant pour l’individu que pour la société dans son ensemble.

La prévalence de l’obésité du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent augmente à travers le monde. Beaucoup d’enfants grandissent actuellement dans des environnements obsésogènes, c’est-à-dire favorisant la prise de poids et l’obésité. Les réponses comportementales et biologiques des enfants à cet environnement obésogène peuvent dépendre de processus intervenant avant même la naissance. Il s’ensuit qu’un nombre croissant d’enfants sont prédisposés à devenir obèses s’ils sont exposés à une mauvaise alimentation et à un comportement sédentaire. L’identification des facteurs de risque, est d’un grand intérêt afin d’adopter des interventions préventives dès le bas âge, et une prise en charge précoce.

L’obésité peut avoir des effets immédiats sur la santé des enfants et affecter leur scolarité et leur qualité de vie. Les enfants obèses risquent fort de le rester à l’âge adulte et sont exposés aux maladies chroniques. Aucune intervention seule ne saurait endiguer la progression de l’épidémie d’obésité. La prévention et le traitement de l’obésité nécessitent une approche pangouvernementale dans laquelle les politiques de tous les secteurs prennent systématiquement en compte la dimension sanitaire, s’attachent à éviter les conséquences néfastes sur ce plan et améliorent ainsi la santé des populations et l’équité en santé.

Introduction

L’obésité est une maladie chronique non infectieuse complexe. Elle représente un véritable fléau qui, selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), est définie comme une accumulation anormale ou excessive de la graisse corporelle entrainant des conséquences néfastes sur la santé. Elle peut être conceptualisée comme la manifestation physique d’un surplus d’énergie chronique (1,2). L’obésité de l’enfant prend des proportions inquiétantes dans de nombreux pays et appelle une action urgente. La prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles figurent parmi les grandes priorités des objectifs de développement durable fixés par les Nations Unies (1). Le fardeau actuel et futur de l’obésité sur la santé est considérable. L’obésité peut avoir des effets immédiats sur la santé des enfants et affecter leur scolarité et leur qualité de vie. Les enfants obèses risquent fort de le rester à l’âge adulte et sont exposés aux maladies chroniques (3).

Plusieurs facteurs en complexe interaction contribuent aux taux croissants de surpoids et d’obésité : des facteurs biologiques, comportementaux, sociaux, psychologiques, technologiques, environnementaux, économiques et culturels, qui opèrent à tous les niveaux, de l’individu à la famille et à la société dans son ensemble.

Les secteurs publics, privés, sans but lucratif et communautaire, les parents, les conseils scolaires et les gouvernementaux municipaux ont tous un rôle à jouer dans cette problématique. Leur effort collectif sera requis pour amorcer le considérable changement sociétal nécessaire au renversement de la tendance actuelle en matière d’obésité infantile. La réduction du taux élevé d’obésité infantile est une priorité dans plusieurs pays, non seulement pour améliorer la santé de la population, mais aussi pour alléger le fardeau économique associé à l’embonpoint sur le système de soins de santé. Il est bien connu que l’obésité se maintient de l’enfance à l’adolescence et qu’elle persiste jusqu’à l’âge adulte(4). Malheureusement, il est très difficile de la traiter une fois qu’elle s’est développée. Ceci permet de saisir l’importance de la prévention précoce. Des modèles mathématiques suggèrent que des interventions ciblant l’obésité chez les jeunes enfants (0-6 ans) pourraient engendrer des économies considérables et des améliorations importantes du bien-être (5).

Définitions et repères 

Une première difficulté dans l’approche au problème de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent est dans sa définition même. Chez l’adulte, au moins pour la première étape du dépistage, l’indice de masse corporelle (IMC) (qui est calculé par IMC=poids/ taille²), permet de définir le statut pondéral. Mais les seuils connus pour les adultes ne sont pas valables pour les sujets en pleine croissance. Comme pour tout paramètre évolutif, il faut se rapporter au sexe et à l’âge, tenant compte des courbes spécifiques pour la population prise en examen. On définit donc le surpoids et l’obésité par un index de corpulence dépassant le 97ème percentile pour l’âge, à partir de courbes établies par MF Rolland-Cachera (6). (Figure 1).

Figure 1. Courbes d’IMC Françaises selon Roland Cachera en fonction de l’âge et le sexe.
(Source : Surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent. HAS, PNNS, septembre 2011.
Santé Publique France.)

Ce 97ème percentile des courbes françaises est légèrement supérieur au seuil de surpoids fixé par l’International Obesity Task Force (IOTF) au-delà duquel on observe à l’âge adulte une augmentation de la mortalité (le seuil IOTF correspond au 95ème percentile des courbes françaises) (7). On distingue le surpoids de l’enfant, lorsque l’index de corpulence est situé au-dessus du 97ème percentile mais au-dessous de la courbe qui aboutit à un index 30 à l’âge adulte (courbe IOTF30), et l’obésité si l’index de corpulence est au-dessus de cette courbe (7). (Figures 2).

Le terme d’obésité morbide, utilisé chez les adultes, est mal adapté à l’âge pédiatrique. On préfère donc parler d’obésité « grave ». Pour la définir, on utilise généralement un IMC supérieur au 99e percentile sur les courbes de référence. Plus récemment, l’American Heart Association a proposé un seuil d’IMC ≥ 120 % par rapport au 95e percentile ou encore un IMC ≥ 35 kg/m2, chiffre toujours très pathologique avant 18 ans. Ces seuils ont été établis à partir de du suivi prospectifs des obésités de l’enfant (7, 8).

Figure 2. Limites pour la définition d’obésité, selon les courbes de centiles de l’IMC selon The International Obesity Task Force (IOTF) en fonction de l’âge et le sexe.

Enfin, le calcul régulier de l’IMC, et son report sur la courbe, pour tous les enfants, permet de repérer ceux dont le rebond d’adiposité est précoce (avant 6 ans), et qui deviendront obèses (Figure 3). Le caractère précoce du rebond d’adiposité semble plus souvent associé à une alimentation des premiers mois riches en protides (7, 8).

Figure 3. Courbe d’IMC et rebond d’adiposité.

Rebond d’adiposité précoce, à 3 ans : la détection précoce de ce rebond aurait permis une prise en charge précoce évitant l’évolution vers le surpoids (à l’âge de 6 ans), et l’obésité (à l’âge de 11 ans).

La fréquence de l’obésité infantile

La prévalence de l’obésité du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent augmente à travers le monde (1). En 2016, à l’échelle mondiale, 74 millions de garçons et 50 millions de filles présentaient de l’obésité (10).En 2014, on estime que 41 millions d’enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids ou obèses (1) (c’est-à-dire qu’ils présentaient un Z-score du poids-pour la-taille supérieur de plus de 2 ou 3 écarts types, respectivement, à la médiane des normes de croissance de l’OMS (2)). La Figure 4 montre la prévalence du surpoids chez les enfants âgés de moins de 5 ans au niveau mondial. En Afrique, le nombre d’enfants en surpoids ou obèses a presque doublé depuis 1990, passant de 5,4 millions à 10,3 millions. En 2014, 48 % des enfants de moins de 5 ans en surpoids vivaient en Asie, et 25 % en Afrique (1). Même si la prévalence de l’obésité du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent stagne dans certaines régions du monde, en chiffres absolus, plus d’enfants en surpoids ou obèses vivent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé (11). À ce jour, les progrès accomplis face au problème de l’obésité de l’enfant ont été lents et inégaux (12).

Figure 4. Prévalence standardisée sur l’âge du surpoids chez les enfants de moins de 5 ans, estimations comparables, 2014 (Source : outil de suivi OMS (http://www.who.int/nutrition/trackingtool)).

Facteurs favorisants et protecteurs de l’obésité chez l’enfant

L’étiologie de l’obésité est fort complexe. De nombreux facteurs de risque ont été identifiés comme étant associés au surpoids et à l’obésité chez l’enfant : facteurs génétiques et biologiques, psychologiques, socio-culturels et environnementaux. Il existe cependant d’autres facteurs pouvant influencer le surpoids et l’obésité. L’obésité est le produit combiné de l’exposition de l’enfant à un environnement malsain (ce que l’on appelle souvent l’environnement obésogène (13)) et de réponses comportementales et biologiques inadaptées face à celui-ci. Ces réponses varient d’une personne à l’autre et sont fortement influencées par des facteurs liés au développement ou au cycle de vie.

1. La nutrition

Parmi les facteurs nutritionnels protecteurs, l’allaitement maternel prolongé (environ 6 mois) a été associé à une protection de l’obésité dans l’enfance selon une méta-analyse (14) (Figure 5). Par contre, l’allaitement artificiel précoce avancerait le rebond adipositaire, prédisposant l’enfant à un risque plus élevé d’obésité (14).

Figure 5. Effet protecteur de l’allaitement maternel (méta-analyse de 10 études).

Parmi les facteurs nutritionnels favorisants, la consommation de lipides dans l’enfance (15), de fast-food (16), de boissons sucrées (17), ont été associés à l’obésité. Les enfants sont exposés à des aliments ultra-transformés, très caloriques et pauvres en nutriments, qui sont bon marché et faciles à se procurer. Il existe une agrégation des habitudes alimentaires avec le niveau socio-économique, et il existe également une agrégation des habitudes alimentaires avec la consommation calorique totale. Il est donc difficile de dénouer ces facteurs les uns des autres dans les études épidémiologiques. Lorsqu’on étudie la densité énergétique de l’alimentation, il n’y a pas d’association avec l’IMC : c’est plus probablement la consommation calorique totale, plutôt que la nature de l’alimentation, qui prédispose à l’obésité (18).

2. La sédentarité

Des décennies de recherche ont montré que l’activité physique est un important médiateur dans le développement physique, social, cognitif et langagier des jeunes enfants (19). L’accent croissant placé sur les normes, l’évaluation et l’imputabilité dans les écoles a mené à une réduction du jeu physique actif et du jeu en plein air. Dans plusieurs écoles et milieux pour enfants, l’activité physique a été pratiquement éliminée pour faire place à des apprentissages académiques plus calmes. Les milieux préscolaires et garderies publics sont maintenant régis par une discipline stricte et les adultes y dirigent largement l’emploi du temps, les enseignants se sentant contraints d’accroître l’enseignement de la littératie et de la numératie aux dépens du temps de jeu. L’écoute passive de la télévision et l’utilisation d’autres médias remplacent aussi le jeu actif et on a même montré qu’elles interrompent le jeu des très jeunes enfants (19).

Le temps passé devant la télévision a été associé à l’obésité (20). L’association de ce comportement avec un grignotage plus élevé a été montrée (21), peut être en raison des publicités alimentaires associées. Généralement, les jeux vidéo aboutissent à la même passivité que la télévision (mais pas au même comportement de grignotage). Il a été montré que les plus actifs (Wii boxing) équivalaient à la dépense énergétique d’une marche de 5 km/heure (22). L’effet de l’exergaming sur le poids dépend donc de sa durée, et de son maintien dans le temps (23).

Malheureusement, les jeux vidéo d’intérieur semblent maintenant remplacer le jeu actif en plein air. Comme le jeu physique est important pour le développement physique, l’apprentissage et le développement social et émotionnel, nous devrions encourager et défendre le jeu, le considérer comme une partie cruciale du quotidien des enfants, à l’école et à l’extérieur du milieu scolaire. Le jeu actif devrait être encouragé parce qu’il est un élément d’un mode de vie sain et équilibré, et non pour stabiliser le poids corporel.

3. Le sommeil

La restriction de sommeil est devenue une condition endémique dans les sociétés modernes, les statistiques démographiques révélant que la durée du sommeil a diminué de plus d’une heure chez les enfants au fil des dernières décennies (24).Une quantité croissante de résultats montre que la réduction de la durée du sommeil est associée à la détresse mentale, la dépression, l’anxiété, le gain de poids, l’hypertension, le diabète, l’augmentation du taux de cholestérol, le décès prématuré ainsi qu’à des comportements de santé adverses comme l’inactivité physique et les piètres habitudes alimentaires (25, 26). Les résultats à l’effet que la réduction de la durée du sommeil est un déterminant de l’obésité s’accumulent (27). Un certain nombre de mécanismes ont été invoqués pour expliquer cette association, dont la régulation à la hausse des hormones de stimulation de l’appétit, l’allongement de l’exposition à un environnement obésogène et la diminution de l’activité physique spontanée (27). Ainsi, un sommeil insuffisant est un problème de santé publique sous-estimé qui a un effet cumulatif sur la santé physique et mentale.

Un temps insuffisant de sommeil, même en excluant les sujets avec apnée-hypopnée du sommeil, a été associé à l’obésité (28). De manière hypothétique, le manque de sommeil entraînerait une désorganisation de l’oscillateur central sensible à la lumière dans le noyau suprachiasmatique, et une perturbation des cycles hormonaux (leptine et ghreline en particulier) et métaboliques. Les durées moyennes recommandées de sommeil chez les enfants ont été indiquées dans la figure 6.

Figure 6. Durée moyenne de sommeil recommandée chez l’enfant.

Les effets bénéfiques du sommeil excèdent largement la restauration et la maintenance de la structure et du fonctionnement des tissus. Il y a donc un risque minimal à choisir une approche pragmatique et à encourager une bonne hygiène de sommeil en complément à d’autres mesures de promotion de la santé.  

4. Les traitements médicamenteux

Les glucocorticoïdes, les traitements antipsychotiques, les anti-épileptiques, ont été associés à la prise pondérale. Autres facteurs d’environnement Le microbiome intestinal pourrait être associé de manière causale à l’obésité chez l’enfant. La prescription précoce d’antibiotique, par ce biais, pourrait être associée à l’obésité (29). Aujourd’hui, le niveau de preuve est trop faible pour recommander par exemple la prescription de pré ou probiotiques afin de prévenir ou réduire l’obésité.

5. La programmation fœtale

L’environnement fœtal in utero a été associé à l’obésité future. Ainsi, le tabagisme maternel a été associé à l’obésité dans une méta-analyse (14). Le petit poids de naissance a été également associé à l’insulino-résistance (mais pas précisément à l’obésité) : ainsi, la conjonction d’un environnement anténatal « pauvre » et d’un excès calorique post natal prédispose à l’obésité « compliquée », au syndrome métabolique, au risque cardio-vasculaire (30, 31).

La macrosomie fœtale prédispose à l’obésité de l’enfance. Le risque métabolique et cardiovasculaire de cette obésité associée à la macrosomie est discuté, avec selon les études une augmentation de ces risques (en particulier en cas de diabète gestationnel responsable de la macrosomie), ou une diminution (32). Dans ce cas de figure, la mère est déjà obèse ou diabétique au début de la grossesse ou elle développe un diabète gestationnel. Cela prédispose l’enfant à accumuler des dépôts de graisses, lesquels sont associés aux maladies métaboliques et à l’obésité. Des processus épigénétiques peuvent également intervenir. Les recherches récentes indiquent que l’obésité paternelle peut aussi contribuer à majorer le risque d’obésité de l’enfant (33), probablement par des mécanismes épigénétiques. La mauvaise alimentation des nourrissons se répercute elle aussi sur le développement biologique de l’enfant.

Des interventions adaptées avant la conception, durant la grossesse et pendant la petite enfance peuvent prévenir certains de ces effets, mais il peut s’avérer difficile de les supprimer après la période critique de développement. Comme de nombreuses femmes attendent la fin du premier trimestre de grossesse pour consulter un professionnel de santé, il est essentiel de sensibiliser les adolescents, les jeunes femmes et les jeunes hommes à l’importance d’adopter des comportements sains avant la conception et au début de la grossesse. Le surpoids et l’obésité ne sont pas des catégories totalement étanches et de nombreux enfants sont sur la voie de l’obésité alors que leur IMC-pour l’âge est normal.

6. Les facteurs génétiques

L’héritabilité de l’obésité, à partir de l’étude de jumeaux, a été estimée à 0,6 à 0,9. Les études pangénomiques ont identifié plus de 20 gènes ou loci associés à l’obésité, le plus important d’entre eux étant le gène FTO (34). Les mécanismes moléculaires par lesquels ces gènes et loci prédisposent à l’obésité sont le plus souvent inconnus.

7. Les facteurs socio-culturels

De nos jours, beaucoup d’enfants grandissent dans des milieux qui favorisent la prise de poids et l’obésité. Dans les pays à revenu élevé comme dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, sous l’effet de la mondialisation et de l’urbanisation, tous les groupes socio-économiques sont de plus en plus exposés à un environnement obésogène. L’évolution du type d’aliments disponible et le recul de l’activité physique pour se déplacer ou dans les jeux se traduisent par un déséquilibre énergétique (35).

Les valeurs et normes culturelles influencent la notion même de poids corporel sain ou souhaitable, en particulier pour les nourrissons, les jeunes enfants et les femmes. Dans certains contextes, le surpoids et l’obésité sont en passe de devenir des normes sociales, contribuant ainsi au maintien de l’environnement obésogène. Le risque d’obésité peut passer d’une génération à l’autre sous l’effet de facteurs comportementaux et/ ou biologiques. Les comportements se perpétuent dans la mesure où les enfants héritent du statut socio-économique, des normes et comportements culturels, ainsi que des habitudes alimentaires et d’activité physique de leurs familles (35).

Impact de l’obésité infantile

Les conséquences du surpoids et de l’obésité sur la santé suivent un continuum et la qualité de vie de l’enfant peut être affectée avant le franchissement des seuils de l’IMC pour l’âge (36). Une quantité impressionnante de résultats concernant les impacts de l’obésité infantile sur le développement de l’enfant a été publiée au fil des dernières années. L’obésité a des conséquences précoces physiques et psychologiques durant l’enfance et l’adolescence et à l’âge adulte. Elle est-elle même une cause directe de morbidité chez l’enfant, favorisant notamment les complications gastro-intestinales (stéatose hépatique), musculo-squelettique et orthopédiques, l’apnée du sommeil et l’apparition accélérée des maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle) et du diabète de type 2 et de leurs comorbidités (37). Elle peut contribuer à des difficultés comportementales et émotionnelles, comme la dépression, être source de stigmatisation et de discrimination et entraver la socialisation et l’apprentissage (38, 39). Les conséquences de la stigmatisation de l’obésité, comme l’isolement ou le retrait social, pourraient contribuer à l’exacerbation de cette condition, en entraînant des difficultés psychologiques qui augmentent la probabilité de trop manger et d’être sédentaire. Fait important, l’obésité de l’enfant est un facteur prédictif solide de l’obésité de l’adulte, dont les conséquences sanitaires et économiques sont bien connues, tant pour l’individu que pour la société dans son ensemble (40, 41). Même si des grandes études longitudinales suggèrent que l’amélioration de l’IMC à l’âge adulte peut réduire le risque de morbidité et de mortalité (42), l’obésité de l’enfant a des conséquences permanentes sur la santé de l’adulte (43). Les données factuelles s’accumulent sur le coût de l’obésité de l’enfant tout au long de la vie, mais elles restent bien plus nombreuses concernant le fardeau économique de l’obésité de l’adulte.

À ce jour, les études ont surtout porté sur les dépenses de santé, faisant fi des autres coûts, notamment ceux associés à l’apparition accélérée des maladies de l’adulte et à la tendance des enfants obèses à le rester à l’âge adulte, avec les coûts économiques que cela suppose (44). L’apparition précoce des maladies non transmissibles nuit aux résultats scolaires et à l’insertion sur le marché du travail et fait peser une charge considérable sur les systèmes de santé, les familles, les employeurs et la société dans son ensemble (45). Le fardeau à long terme sur le système de soins de santé est extraordinaire si on considère les conditions chroniques comorbides associées à l’obésité. On a projeté que la génération actuelle d’enfants sera la première de l’histoire moderne à vivre moins longtemps que la génération de leurs parents (46).

La prévention de l’obésité de l’enfant aura d’importants avantages économiques et intergénérationnels qu’il est actuellement impossible d’estimer ou de quantifier correctement. Parmi les retombées positives figurent l’amélioration de la santé maternelle et reproductive et la réduction de l’exposition de l’ensemble de la population aux environnements obésogènes, autant d’arguments en faveur de mesures urgentes.

Contexte de la recherche

L’obésité infantile est devenue un important problème de santé publique. Les stratégies pour s’attaquer à l’obésité et aux environnements obésogènes nécessiteront une approche à multiples facettes et à long terme, reposant sur des interventions qui opèrent à plusieurs niveaux et de façon complémentaire. Malgré le nombre impressionnant de recherches effectuées au fil des dernières décennies, on n’a pas réussi à identifier une méthode qui entraîne une perte de poids à long terme pour un nombre important d’individus. Notre échec à renverser la tendance que suit la prévalence de l’obésité nous a aidé à réaliser que de mettre l’accent sur la perte de poids comme indicateur du succès est non seulement inefficace pour réduire le poids des gens et améliorer leur santé, mais qu’il est carrément néfaste, car il contribue à la préoccupation pour la nourriture et le corps, aux cycles répétés de perte et de gain de poids, à la baisse de l’estime de soi, aux troubles alimentaires et à la stigmatisation / discrimination liées au poids (47).

Une grande quantité de résultats scientifiques montrent que la plupart des résultats de santé peuvent être améliorés par des changements d’habitudes de vie, qu’il y ait perte de poids ou non (48, 49).Cependant, un défi important du monde moderne est que notre fameux « environnement obésogène » favorise la consommation d’énergie et décourage sa dépense. L’être humain moderne typique, dépendant de son ordinateur, en manque de sommeil et physiquement inactif, est chroniquement stressé et vit dans l’abondance alimentaire (25, 50).L’excès de poids observé chez les individus sujets à l’embonpoint devrait être perçu comme une adaptation physiologique normale à un environnement modifié plutôt que comme un processus pathologique (51). En d’autres mots, le gain de poids est un symptôme du mode de vie moderne ou un « dommage collatéral » du combat pour la modernité. En conséquence, la prévention et les stratégies de traitement de l’obésité devraient idéalement axer sur la modification de l’environnement et du mode de vie pour que le choix sain devienne le choix facile.

Conclusion

La prévention de l’obésité chez les enfants devrait être la première ligne de traitement. Étant donné la nature complexe et multifactorielle de l’obésité, les interventions préventives doivent cibler ses causes profondes pour être efficaces. Les facteurs favorisants l’obésité mérite d’être identifiés afin de mettre en place une stratégie préventive basée sur la surveillance régulière de l’IMC de l’enfant, l’éducation nutritionnelle des enfants et des parents, la promotion de l’activité physique et la réduction du temps consacré aux écrans.

L’enfant n’a aucune prise sur ces facteurs causaux. On ne saurait donc considérer que l’obésité de l’enfant, et à plus forte raison, du jeune enfant, est le résultat de choix de vie volontaires. Comme ce phénomène est influencé par des facteurs biologiques et contextuels, les gouvernements doivent s’y attaquer par des orientations de santé publique, l’éducation et la réglementation, le but étant d’agir sur les risques liés au développement et à l’environnement afin de soutenir les efforts de changement de comportement des familles. Les parents, les familles, les personnes qui s’occupent d’enfants et les éducateurs ont un rôle essentiel à jouer pour encourager les comportements sains.

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