H Siyoucef, A Aouichet, A Bellal, NS Fedala
Service d’Endocrinologie et Maladies Métaboliques. CHU Bab El Oued.
Introduction
La mucopolysaccharidose de type I (MPS I) est une maladie rare de surcharge lysosomale de transmission autosomique récessive. C’est la plus commune des MPS. Son incidence est estimée à 1/100000. Elle est due à un déficit de l’enzyme α-L-iduronidase(IDUA), une enzyme lysosomale responsable du métabolise des glycosaminoglycanes (GAG). Compte tenu de la large distribution de ces composés, les manifestations de la MPS I sont multisystémiques (cœur, foie, os, cerveau …). L’expression clinique est très variable, en fonction de la sévérité de la pathologie qui se défini par la présence ou pas d’une atteinte neurologique. Ainsi on distingue 3 formes : la maladie de Hurler ou MPS I-H est la forme la plus sévère, elle se caractérise par une atteinte multi viscérale et neurologique progressive ; la maladie de Scheie ou MPS I-S, forme moins sévère sans atteinte cognitive progressive et la maladie de Hurler-Scheie ou MPS I-HS qui est une forme intermédiaire. Elle est à l’origine de morbidité prématurée élevée par atteinte cardiaque et pulmonaire, source d’handicap et de neuro dégénérescence dans les formes sévères. Nous allons à travers cette observation illustrer les aspects cliniques et évolutifs de cette pathologie.
Observation
Trois patients : deux garçons et une fille, issus d’un couple consanguin de deuxième degré ont consulté pour retard statural.
Cas n°1
SM, le deuxième de la fratrie, âgé de 9 ans et 4 mois, est né à terme par césarienne, avec un petit poids de naissance 2.8Kg<10°p/ courbe d’audipog pour une taille normal de 50 cm (50°p courbe AUDIPOG) et un périmètre crânien normal de PC 36cm (75°p / courbe )
ATCDS personnels :
Retard de développement psychomoteur. Marche à l’âge de 28 mois. Retard d’éruption dentaire, hydrocéphalie diagnostiquée à l’âge de 05 mois devant une macrocranie valvée à l’âge de 11 mois.
L’exploration neuroradiologique en résonance magnétique avait retrouvé une atrophie cortico sous corticale avec dilatation du système ventriculaire sans résorption transépendymaire, les espaces sous arachnoidiens sont libres et les structures médianes sont en place. Il existait une formation kystique liquidienne iso intense au LCR occupant la grande citerne et communiquant en bas avec la 4eme ventricule qui est de volume normal. Il n’y avait pas de malformation osseuse ou nerveuse de la charnière cervico-occipitale. Aspect compatible avec une hydrocéphalie passive sur atrophie avec malformation de Dandy Walker.
On note par ailleurs une hernie inguino-scrotale bilatérale constatée à l’âge de 40j opéré à l’âge de 1 an et 4 mois avec reprise à J15 récidive à gauche et reprise chirurgicale en 2020, une invagination intestinale opérée en 2021, des Infections respiratoires hautes à répétition et une adénoïdectomie à l’âge de 5 ans, récidivante.
L’enfant a consulté la première fois à l’âge de 5 ans pour un retard statural dont l’exploration a objectivé un déficit en GH mis sous traitement substitutif par hormone de croissance biosynthétique avec une mauvaise observance et une mauvaise réponse thérapeutique.
L’examen clinique à son admission : Retrouve un déficit intellectuel important, une limitation des mouvements, un retard statural estimé à : -3DS/TM= -1,5DS/TC sous TRT par GH (fig. n°1a).
On note une dysmorphie faciale, une macrocranie, un cou court, des traits épais, des narines larges, des lèvres et oreilles épaisses, cheveux durs bas implantés. Limitation de l’ouverture buccale stase salivaire, une macroglossie, une voix nasonnée , un écoulement nasal permanent et un ronflement nocturne. L’abdomen est distendu avec une hépatomégalie et splénomégalie palpables non douloureuses et une hernie inguinale gauche non compliquée. On retrouve une mobilité très réduite, une raideur articulaire diffuse, des mains en griffe, des pieds plats, une scoliose, un périmètre de la marche réduit à 10m/6min et une marche dandinante. L’examen des organes génitaux externes note un micropénis, un testicule droit palpable en intrascrotal, un testicule gauche non palpable et une hydrocèle gauche.
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Cas n°2
S.AM âgé de 06ans et 04 mois est né par césarienne à terme avec des données anthropométriques à la naissance normaux( poids de naissance : 3Kg (25°p courbe AUDIPOG pour une taille de = 50 cm (50°p audipog) et un PC : 35cm normal selon courbe AUDIPOG). Contrairement à son frère,le développent psychomoteur est normal. On observe des Infections respiratoires hautes à répétition dès l’âge de 4 ans.
L’examen clinique : Retrouve un retard statural estimé à -2.5DS/TM= -1,5DS/TC (fig n°1B) , une dysmorphie faciale, avec
macrocranie, un cou court, des traits épais, des narines larges, des lèvres et des oreilles épaisses, des cheveux durs bas implantés , une limitation de l’ouverture buccale et une stase salivaire, sans macroglossie.
La voix est nasonnée, avec écoulement nasal permanent et ronflement nocturne. L’abdomen est distendu avec une hépatomégalie et splénomégalie non douloureuses. On note une raideur articulaire diffuse,des mains en griffe, un périmètre de la marche réduit à 200m/6minutes et une marche dandinante.
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Fig n°3 : cas 2 caractéristique clinique et déformations osseuses
Cas n°3
M. A âgée de 04 ans et 06 mois est née par césarienne, avec des données anthropométriques à la naissance normaux : poids de naissance 2.8Kg AUDIPOG, pour une taille de naissance = 49 cm AUDIPOG, PC : 34cm.
Antécédents personnels :
On constate un développent psychomoteur correct, des Infections respiratoires hautes à répétitions depuis l’âge de 4 ans et une faiblesse musculaire constatée à l’âge de 6 ans
L’examen clinique révèle un retard statural sévère estimé a -4DS/ Taille moyenne et 3DS/T.Cible , un poids à 13Kg et un BMI à 15.7 kg/M² (fig n°1C). Une dysmorphie faciale similaire à ses frères avec un abdomen distendu, une hépatomégalie et splénomégalie non douloureuses, une raideur articulaire diffuse, des mains en griffe, des pieds plats, un périmètre de la marche estimé a 200m/6min et une marche dandinante. (Fig n°4)
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Fig n°4 : cas n°3 aspect clinique et déformation osseuse
L’exploration biologique spécifique a permis de poser le diagnostic de la MPS type 1 (Tableau I)
Cas | GAG mg/ml | Activité enzymatique |
1 | 93.58 | 0.3 |
2 | 87.63 | |
3 | 131.46 | 0.1 |
Le diagnostic de a MPS est confirmé par l’étude génétique qui objective la même mutation chez les trois enfants, C1598C>G
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Un bilan paraclinique complémentaire hormonal et viscéral a objectivé un déficit complet en hormone de croissance chez les trois patients.
L’exploration radiologique : retrouve chez les trois cas des anomalies spécifiques de MPS. (Fig 5,6,7)
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Fig n°5B radiographie du membre supérieur : épaississement des diaphyses
IRM cérébrale 5C: dilatation du système ventriculaire en rapport avec une hydrocéphalie triventriculaire communicante active.
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Fig N° 6b: IRM cérébrale : dilatation du système ventriculaire avec une hydrocéphalie tetra ventriculaire.
Fig N°6c : radiographie du poignet et main gauche : retard de l’ossification et épaississement métacarpien -AO : 3 ans+6mois mois Retard de maturation osseuse de 1 an 6mois
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Fig n° 7A : radiographie du thorax sans anomalie
Fig N°7 B : retard d’ossification,épaississement des métacarpiennes -AO : 11 mois . Retard important de maturation osseuse de 3 ans
Fig N°7 C : Les têtes fémorales sont aplaties et fragmentées d’allure dysplasique (coxa plana) avec ouverture cotyloïdienne insuffisante et coxa vara bilatérale.
Le reste des explorations sont résumés dans le tableau II.
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Au terme de l’exploration clinique et paraclinique , les patients sont mis sous enzymothérapie substitutive , 8 mois après le diagnostic en raison des difficultés de disponibilité du traitement. L’évolution a été marquée malheureusement par le décés (arrêt cardiorespiratoire) du patient 1 , un mois après la mise en route du traitement . Au dernier contrôle, on notait une amélioration du périmètre de marche chez les deux autres.
Discussion
Le déficit en alfa-L-iduronidase est responsable de l’accumulation lysosomique progressive de dermatane-sulfate et d’héparane-sulfate responsable d’une atteinte multi viscérale. L’expression clinique est très variable et dépend du type de MPS I.
La forme la plus sévère et la plus fréquente est la maladie de Hurler ;Elle début avant l’âge d’un an, se caractérise par une dysmorphie, une organomégalie, une dysostose multiple, une atteinte cardio-respiratoire, une stagnation puis régression psychomotrice. En l’absence de traitement, le décès survient dans la première décade. Dans la forme intermédiaire ou maladie de Hurler-Scheie, l’atteinte intellectuelle est modérée, il n’y a pas de régression psychomotrice. Sans traitement, l’espérance de vie est inférieure à 30 ans. Dans la forme la plus atténuée ou maladie de Scheie, le diagnostic est plus tardif, il n’y a pas d’atteinte intellectuelle et la survie est prolongée. Le pronostic vital est conditionné par l’atteinte cardiorespiratoire. Il existe en fait un continuum entre ces différentes présentations cliniques.
Dans la majorité des cas, l’enfant naît après une grossesse et un accouchement normaux ; l’examen néonatal est normal. Les signes cliniques apparaissent peu après la naissance et le diagnostic doit être évoqué avant l’âge d’un an devant l’association de hernies inguinales ou ombilicales, rhinites et otites chroniques, régression psychomotrice ou modification morphologique progressive. Malgré ce tableau dysmorphique, l’âge médian au diagnostic est de 4,9 à 9,6 ans. Le manque de sensibilisation à la maladie et une mauvaise reconnaissance clinique sont les principales raisons du retard de diagnostic.
Les patients MPS présentant des symptômes non résolus sont souvent référés à plusieurs spécialistes (pédiatres, endocrinologues, pneumologues, rhumatologues, chirurgiens, orthopédistes…) avant qu’un diagnostic ne soit posé. Les enquêtes menées pour évaluer la reconnaissance et le diagnostic de la MPS I auprès des pédiatres, endocrinologues et des rhumatologues a révélé que moins de 40 % des spécialistes connaissaient la maladie.26%
des patients MPS I sévère et 14 % des patients MPS1 atténuée ont déclaré avoir consulté > 7 spécialistes.
Le retard statural et une petite taille sont communs dans la MPS1. Des diminutions subtiles de la vitesse de croissance peuvent commencer dès l’âge de 2 ans voir 1 an. Les délais de reconnaissance et de diagnostic restent tardifs, en particulier pour les formes atténuées et lorsque un GHD est diagnostiqué en rapport avec une selle turcique vide secondaire et ou une hydrocéphalie (Cas de nos patients).
Dans les formes atténuées et les formes modérées, le retard statural peut être le mode révélateur de la MPS. Le diagnostic de ces formes reste un vrai challenge pour l’endocrinologue ou le pédiatre, qui reçoivent généralement ces enfants pour un retard statural. La présence concomitante de certains symptômes doit orienter vers une MPS telles que des douleurs articulaires souvent attribuées à des douleurs de croissance, la mobilité articulaire réduite y compris l’extension, une diminution de l’abduction et de l’antéflexion des épaules, la déformation des coudes, la laxité ligamentaire et une hypoplasie osseuse. L’association de ces signes cliniques au retard statural nous a permis le diagnostic de cette MPS chez notre patiente.
D’autres éléments à l’interrogatoire doivent évoquer le diagnostic comme des interventions chirurgicales multiples (hernies abdominales, inguinale, ORL) ou des infections otho-rhinolaryngées à un âge précoce par rapport à la population pédiatrique. Le retard statural est de mécanisme physiopathologique complexe. L’ossification osseuse est particulièrement affectée, avec pour conséquence l’apparition d’une dysostose multiplex qui est la cause sous-jacente de la petite taille. D’importantes anomalies osseuses (cyphoscoliose, genuvarum) sont observées ;La structure cellulaire de la plaque de croissance est désordonnée avec accumulation de GAG, diminution du dépôt de la matrice osseuse, une fonction ostéoblastique altérée et des chondrocytes hypertrophiques.
Des anomalies endocriniennes contribuent à l’aggravation du retard statural comme un déficit en GH chez les patients ayant reçu une irradiation totocorporelle pour une greffe de cellules souches hématopoïétique ou secondaire à une selle turcique vide secondaire et ou une hydrocéphalie(Cas de nos patients).Le déficit de croissance s’aggrave entre 5 et 12 ans. En présence d’une puberté retardée ou absente en raison d’un hypogonadisme hypogonadotrope secondaire, la poussée de croissance pubertaire est insignifiante ou absente et le pronostic statural est aggravé. La taille adulte atteinte dépend de la sévérité du phénotype et varie de 130 à 164 cm.
La raideur articulaire et les contractures sont des signes précoces et fréquents de MPS I atténuée. La polyarthrite rhumatoïde et le rhumatisme articulaire juvénile sont les diagnostics différentiels les plus courants. Une mobilité articulaire limitée, même modérée, en l’absence d’inflammation clinique ou biologique doit faire suspecter un trouble MPS.Un bilan radiologique spécifique doit être réalisé pour rechercher des anomalies radiologiques caractéristiques : Radiographies du bassin de face (coxa valga, dysplasie fémorale, dysplasie cotyloïdienne) Rachis entier face et profil (vertèbre en rostre, cyphose thoraco-lombaire et scoliose) et main gauche de face (aspect effilé en sucre d’orge des métacarpiens)
Le diagnostic de certitude repose sur le dosage des GAG urinaire et l’activité enzymatique spécifique (bas chez les trois patients). Ces analyses doivent être réalisées dans un laboratoire spécialisé, engagé dans une démarche de contrôle de qualité. L’étude des glycosaminoglycanes (GAG) urinaires permet d’orienter le diagnostic biologique en évitant des études enzymatiques inutiles. L’étude doit être à la fois quantitative et qualitative. La confirmation biologique du diagnostic repose sur la mise en évidence d’un déficit enzymatique profond en alpha-L-iduronidase (IDUA) dans les leucocytes. Cette activité peut également être mesurée sur les fibroblastes en culture. La valeur de l’activité enzymatique mesurée classiquement avec les substrats synthétiques ne permet pas de distinguer les formes sévères des formes atténuées. L’étude du gène IDUA systématique permettra d’identifier la mutation génétique. Le gène codant l’alpha-L-iduronidase est localisé sur le chromosome 4 au locus 4p16.3. Il comporte 14 exons. Au moins 100 mutations distinctes ont été identifiées, incluant des réarrangements géniques complexes, des mutations faux sens, non-sens, du site d’épissage, de grandes ou petites délétions intra géniques et des insertions. La mutation P533R retrouvée chez nos patients est prédominante dans la région méditerranéenne. De plus, Il faut préciser qu’il n’existe pas de corrélation phénotype génotype (Cas de nos patients).
Sur le plan thérapeutique, les objectifs de la prise en charge sont d’améliorer ou ralentir l’évolution de la maladie, d’améliorer la qualité de vie et l’insertion (sociale, scolaire ou professionnelle), d’informer le patient et sa famille sur sa maladie, prévenir les complications et améliorer sa prise en charge. Celle-ci est multidisciplinaire et spécialisée. Le traitement spécifique repose sur l’enzymothérapie substitutive : laronidaze et la greffe de cellules souches hématopoïétique et le traitement symptomatique qui vise à traiter les différentes complications présentes. Le choix du traitement spécifique dépend du phénotype, de l’âge du patient et de son état neurologique. La greffe de cellules souche hématopoïétiques (GCSH) a montré de bons résultats chez certains patients. Le substitut enzymatique (laronidase) a obtenu l’autorisation de mise sur le marché européen en tant que médicament orphelin en 2003. Il a montré son efficacité en permettant une amélioration de la capacité vitale, une augmentation du périmètre de marche, une diminution de l’hépatosplénomégalie et de l’excrétion urinaire de GAG. Néanmoins la laronidase ne passe pas la barrière hématopoïétique et n’a pas une action sur l’atteinte neurologique.
Le conseil génétique doit être effectué au terme de l’exploration. Il a pour objectifs : d’informer les couples à risque de la probabilité de transmettre la maladie sous une forme homozygote, des conséquences cliniques potentielles d’une telle transmission et de la possibilité de réaliser un diagnostic prénatal. Le dosage enzymatique ne permet pas un diagnostic fiable des sujets hétérozygotes. L’identification du génotype du patient permet le dépistage des hétérozygotes intrafamiliaux.
Conclusion
Malgré les avancées dans la prise en charge des MPS, ces maladies rares et graves sont encore sous-diagnostiquées ou avec retard du fait de leur non-reconnaissance par les cliniciens. Des tests diagnostiques urinaires de dépistage existent, avec une confirmation sur mesure leucocytaire de l’activité enzymatique. Plusieurs MPS peuvent bénéficier d’un traitement spécifique . L’objectif reste un diagnostic et une prise en charge le plus précoce possible permettant d’éviter une morbimortalité élevée.
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