R. Derguine ; A. Kherra ; N. Benmaouche M ; MEA. Boudjella; M.Chahi.
Service de Médecine Interne EPH IBN ZIRI
Service de Médecine Interne EHS Salim Zemirli
La prévalence de l’obésité connait une progression epidémique, elle représente le principal facteur de risque des composants du syndrome métabolique (SM).
L’obésité est aussi pourvoyeuse des troubles respiratoires du sommeil (TRS) représentés par le syndrome d’obésité Hypoventilation (SOH) souvent associé au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS)
Le SAOS a deux conséquences majeurs ; désaturations intermittentes et fragmentation du sommeil
Il est bien établit actuellement que le SAOS est un facteur de risque indépendant de maladies cardio-vasculaires et métaboliques.
Introduction
Les premières descriptions ont été le fait de documents de littérature au premier rang des quelles le roman de Charles Dickens (1).
Dans ce roman, le personnage de Monsieur Pickwick, outre certaines caractéristiques décrites dans le roman associe un excès de poids et somnolence. Ce syndrome de Pickwick correspond à l’appellation actuelle de «syndrome obésité-hypoventilation».
En 1965, Henri Gastaut célèbre neurologue français donna le terme d’apnées aux pauses respiratoires observées chez ces patients présentant ce «Syndrome de Pickwick».
Puis en 1975, c’est Guilleminault (2,3) qui décriva pour la première fois les apnées du sommeil.
Les TRS sont fortement associés à l’obésité, l’insulinorésistance et le diabète de type2.
La polysomnographie représente le test diagnostic de référence des TRS et la PPC (Pression Postive Continue) est le premier traitement du SAOS, associé à la réduction pondérale.
Ces TRS s’insèrent dans différentes spécialités médicales leur donnant ainsi un caractère transdisciplinaire.
Prévalence des troubles respiratoires du sommeil
La prévalence des TRS en général et SAOS en particulier, est diversement appréciée : globalement elle est estimée à 2% pour les femmes et 4% pour les hommes (4).
En réalité la prévalence des TRS n’est pas connue pour de multiples raisons .Ceci est le fait que de nombreuses pathologies et de nombreux facteurs influent sur cette donnée de prévalence du SAOS.
Classification des troubles respiratoires du sommeil
« Troubles respiratoires du sommeil » est un terme générique décrit dans la littérature comme un cadre nosologique englobant tous les troubles respiratoires survenant pendant le sommeil dont une des plus récentes classifications est rapporté en 2014(5).
Nous proposons de préciser les particularités de chaque type de TRS en donnant une place importante au SAOS qui est le trouble respiratoire du sommeil le plus fréquent qui relève d’une ventilation nocturne à pression positive continue (PPC).
1. Syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil
Le SAOS est un trouble respiratoire du sommeil, caractérisé par des épisodes récurrents d’obstruction partielle ou totale des voies aériennes supérieures.
A l’état normal, il existe un équilibre de la balance entre les forces dilatatrices et obstructives des VAS pour les maintenir perméables. Les événements obstructifs surviennent quand cette balance est décalée (6) .
La rupture de cet équilibre est favorisée par des facteurs anatomiques ou neuromusculaires.
Le facteur principal à l’origine d’un collapsus des VAS est la pression extra luminale des tissus avoisinants et dont la cause la plus fréquente est l’obésité (6).
Ces événements (apnées et hypopnées) entrainent des désaturations intermittentes et des efforts respiratoires à l’origine des micro-éveils.
Critères diagnostics du SAOS selon International classification of sleep disorders (ICSD-3 2014 (5) : Critères A ou B et du critère C
A. Somnolence diurne excessive. (Score d’Epworth>10)
B. Deux au moins des critères
- Ronflements.
- Sensations de pauses respiratoires
- Asthénie
- Nycturie
C. Critère polysomnographique ou polygraphique :
- [IAH] ≥ 5 ev/h.
2. Syndrome d’obésité hypoventilation (7)
Est une autre forme de troubles respiratoires du sommeil dont la prévalence croit avec celle de l’obésité. La définition du SOH obéit à deux critères :
Le premier est sa survenue chez les patients obèses (BMI>30Kg/m²) voire très obèses.
Le second est que ces patients présentent une hypercapnie diurne (Pco2 >45 mm Hg) qui n’entre pas dans le cadre des hypercapnies secondaires.
L’hypercapnie peut être associée ou remplacée par un taux de bicarbonates sanguin ≥ 27mmol/L (8). Ce trouble respiratoire du sommeil est fréquemment associé à des évènements nocturnes d’apnées obstructives (>80%).
3. Syndrome de haute résistance des voies aériennes supérieures
Ce syndrome a été initialement rapporté 1993 par Guilleminault, comme cause de somnolence diurne excessive (9).
La survenue d’une somnolence excessive diurne de cause inexpliquée et associée à des événements respiratoires non apnéiques ou hypopnéiques (IAH <5) en rapport avec une augmentation progressive des efforts respiratoires à l’origine de micro-éveils (index >10 événements/heure de sommeil qui sont qualifiés de RERAs).
Ce syndrome de RERA autrement appelé syndrome de haute résistance des voies aériennes supérieures (SHRVAS) est caractérisé en polysomnographie par l’association aux micro-éveils de tracés de limitation de débit mesuré par la canule nasale.
L’examen de référence est la pression œsophagienne.
Le temps de transit de pouls (TTP) représente un autre marqueur d’effort respiratoire.
Actuellement la classification internationale of sleep disorders (ICSD II) des TRS l’individualise comme un sous groupe de SAOS (10).
4. Apnées centrales et respiration de Cheyne-Stokes.
Les événements respiratoires d’origine centrale sont caractérisés par des apnées associées à l’absence d’efforts respiratoires à l’enregistrement polygraphique ou PSG.
Ces syndromes des apnées centrales sont variés (11) dont la respiration périodique de Cheyne-Stokes est le type le plus fréquent associé à l’insuffisance cardiaque congestive (12): il représente un facteur de mauvais pronostic.
Le diagnostic des troubles respiratoires du somm
Etape clinique
De nombreux symptômes peuvent accompagner et être conséquence des TRS. Parmi eux le plus contributif est la somnolence diurne. Plusieurs échelles visant à la quantifier ont été proposées (13,14). Récemment un nouveau score a été validé dans le sreening des TRS, il s’agit du No Score où le diagnostic est fort probable à partir de 8 points, ce score est basé essentiellement sur les critères suivants : obésité, la ciconférence du cou, age≥ 55ans, le sexe masculin. (15)
Etape para-clinique
Il existe une classification hiérarchisée de quatre méthodes para-cliniques permettant de confirmer le diagnostic de TRS et en particulier les apnées obstructives du sommeil.
Chaque méthode est assortie d’une puissance diagnostique variable (16,17):
Types | Modes | Canaux | Signaux | Mesures IAH |
I | PSG en laboratoire | 14-16 | EEG, EOG, EMG, ECG, lunettes, sangles, oxymétrie | Oui |
II | PSG ambulatoire | >7 | EEG, EOG, EMG, ECG, lunettes, sangles, oxymétrie | Oui |
III | Polygraphie ambulatoire | ≥4 | Lunettes,sangles, ECG/FC, oxymétrie | Estimation |
IV | Oxymétrie ambulatoire | 1-3 | Lunettes, oxymétrie | Estimation |
Données de la polysomnographie.
La polysomnographie nocturne nous fournit des informations sur l’architecture du sommeil à travers l’hypnogramme et sur la mise en évidence des événements respiratoires du sommeil et qui sont définis selon l’AASM comme suit(16,19)
- L’apnée : est un événement respiratoire en rapport avec une obstruction complète des VAS responsable d’une réduction du flux de plus 90% d’une durée d’au moins 10 secondes. L’apnée est dite obstructive lorsqu’elle s’accompagne d’efforts respiratoires et elle dite centrale en absence de ces derniers.
- hypopnées doivent être accompagnées soit de désaturations ou de micro-éveils.
- Les désaturations : elles sont mesurées par l’oxymétrie de pouls. Qu’il s’agisse d’apnées ou d’hypopnées, elles sont définies par une baisse de Spo2 d’au moins 3% et pour certains 4%.
- RERA : ce sont des évènements à type de micro-éveils liés aux efforts respiratoires ; ils sont caractérisés par une augmentation de l’effort respiratoire durant le sommeil causé par une limitation du flux aérien au niveau des VAS.
Le décompte des événements apnéiques par heure de sommeil définit l’index d’apnées-hypopnées (IAH).
Le diagnostic de SAOS est retenu en présence de 5 événements respiratoires ou plus par heure de sommeil associé aux symptômes cliniques déjà sus cités.
Selon la sévérité est fonction de l’importance de l’IAH
- SAOS léger : IAH entre 5-15.
- SAOS modéré : IAH entre 15-30.
- SAOS sévère : IAH≥ 30.
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Les conséquences physiopathologiques des TRS
La pathogénie de maladies cardiovasculaires associées aux troubles respiratoires du sommeil a été pendant longtemps non élucidée.
Les données actuelles font ressortir un certain nombre de mécanismes impliqués
L’activation du système nerveux sympathique(20),l’activation de la voie inflammatoire (21,22),l’activation de la coagulation (23), la dysfonction endothéliale (24).Le stress oxydatif (25), l’insulino-résistance et les troubles du métabolisme lipidique (26,27).
La dysfonction endothéliale, le stress oxydatif et l’inflammation sont tous des conséquences du SAOS directement lié à l’hypoxie intermittente.
![](https://labiogen.com/wp-content/uploads/2023/03/KLN-1024x519.png)
SAOS et co-morbidités : relations bi-directionnelles
Complications des TRS
Il a été établi depuis longtemps qu’il existe une association indépendante entre le SAOS et les maladies cardiovasculaires en particulier avec l’HTA et les cardiopathies ischémiques, les accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVCI), l’insuffisance cardiaque congestive, la fibrillation atriale, les troubles du rythme ventriculaires, les troubles de la conduction (BAV) et la mort subite (28-32)
Conclusion
L’association très forte entre les troubles respiratoires du sommeil et l’obésité nous incite à procéder à la recherche de ces troubles de manière pragmatique chez tout patient obèse et a fortiori en présence de co-morbidités.
Un dépistage par l’utilisation des différents questionnaires et scores disponibles constitue la première étape dans le diagnostic de TRS.
La meilleure connaissance de ces troubles respiratoires du sommeil liés à l’obésité, Nous permet une meilleure prise en charge, à un âge plus jeune afin d’améliorer la qualité de vie à court terme et de réduire le risque de survenue des complications cardio vasculaires à moyen voire à long terme.
Ceci souligne l’intérêt d’une collaboration pluridisciplinaire dont le but est une prise en charge globale et personnalisée des patients.
Références bibliographiques
5. Sateia MJ. International Classification of Sleep third edition. Chest 2014; 146: 1387-94
7. Mokhlesi B. Obesity hypoventilation syndrome: a state-of-the-art review. Respiratory care. 2010;55(10):1347-62; discussion 63-5. Epub 2010/09/30.
8. Bingol Z, Pihtili A, Cagatay P, Okumus G, Kiyan E. Clinical predictors of obesity hypoventilation syndrome in obese subjects with obstructive sleep apnea. Respiratory care. 2015;60(5):666-72. Epub 2015/01/15.
11. Muza RT. Central sleep apnoea—a clinical review. Journal of Thoracic Disease. 2015;7(5):930-7.
15. Oktay Arslan B, Uçar ZZ, Batum Ö, Orman MN. Validation of the NoSAS score for screening sleep-disordered breathing: A sleep clinic- based study in Turk J Med Sci. 2021 Feb 26;51(1):319-327. doi: 10.3906/sag-2002-54.
31. Correia LCL, Souza AC, Garcia G, Sabino M, Brito M, Maraux M, et al. Obstructive Sleep Apnea Affects Hospital Outcomes of Patients with non-ST-Elevation Acute Coronary Syndromes. Sleep. 2012;35(9):1241-5.
32. Tamura A, Kawano Y, Ando S, Watanabe T, Kadota J. Association between coronary spastic angina pectoris and obstructive sleep apnea. Journal of cardiology.56(2):240-4.